mardi 31 janvier 2012
lundi 30 janvier 2012
Sarkozy et les victimes : leçon de populisme pénal appliqué
Un article très affûté de mon amie Laure Heinich Luijer sur le "président des victimes"
Si Nicolas Sarkozy était vraiment le président des victimes, il penserait à elles, par exemple, en abaissant le seuil d'incapacité temporaire totale à partir duquel on peut saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions ou élargir le champ des infractions ouvrant indemnisation devant cette commission !
Là, il pourrait dire qu'il a aidé les victimes !
Le fonds de garantie peut, à mon sens, amortir cette réforme !
Il faut dire qu'il lui reste peu de temps !!
A bon entendeur !!
L'Etat condamné pour les conditions de détention à la prison de La Santé La justice a octroyé lundi des dommages et intérêts à trois détenus de cette prison parisienne, qui avaient été déboutés par le tribunal administratif en première instance.
Vue aérienne de la maison d'arrêt de la Santé, à Paris, le 20 juillet 2010 (Photo Boris Horvat. AFP)
Quatre détenus par cellule de 12 m2, WC dans un coin de la pièce: les conditions de détention à la maison d'arrêt parisienne de La Santé viennent d'être sanctionnées par la justice, qui a octroyé des dommages et intérêts à trois détenus, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
Dans les trois dossiers, portés par Me Etienne Noël, administrateur de l'Observatoire international des prisons (OIP), la cour administrative d'appel de Paris a condamné l'Etat à verser à chacun des détenus une provision de 1 500 euros pour le préjudice subi. En première instance, le tribunal administratif les avait déboutés.
«Après Douai, Marseille, Lyon, Bordeaux... il se crée bel et bien une jurisprudence au niveau des cours d'appel», s'est félicité Me Noël, habitué des combats pour une amélioration des conditions de détention dans les prisons françaises. C'est la première fois qu'il obtient des condamnations de l'Etat concernant La Santé. Dans tous les cas, les détenus ont occupé à plusieurs reprises des cellules collectives d'environ 12 m2, partagées avec trois autres prisonniers.
«Eu égard à l'exiguïté et à la sur-occupation des cellules, le détenu ne peut être regardé comme ayant bénéficié d'un espace minimal lui permettant de se mouvoir normalement», a constaté la cour dans ses arrêts rendus le 12 janvier.
De plus, «le cloisonnement incomplet des toilettes dans ces cellules ne garantit pas un minimum d'intimité» et «ces lieux d'aisance situés au sein de la pièce servant à la prise des repas sont démunis d'un système d'aération spécifique».
Pour la cour administrative d'appel, ces conditions de détention portent «atteinte à la dignité humaine». Elles ne respectent ni la convention européenne des droits de l'Homme, ni la loi pénitentiaire ou le code de procédure pénale.
Pour sa défense, le ministère de la Justice avait rappelé que la maison d'arrêt de La Santé devait être «complètement reconstruite» et faisait l'objet de«lourds travaux d'entretien». Peut-être, a commenté l'avocat, mais «pour ce qui est du passé et du présent, il y a une atteinte à la dignité des personnes».
samedi 28 janvier 2012
Les usines carcérales déshumanisent le prisonnier et le personnel pénitentiaire
Par Céline Verzéletti, secrétaire générale de la CGT Pénitentiaire
A chaque fait divers dramatique, une nouvelle loi est votée dans l’immédiateté, sans analyse et sans recul par les gouvernements de Nicolas Sarkozy. Le nouveau projet de loi 4001 dit de l’exécution des peines, est actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale. Ce texte est dangereux et inquiétant. En effet, il va à l’encontre de la Loi pénitentiaire car il privilégie l’incarcération. Par ailleurs, il nie le rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2011 relatif aux Partenariat Public Privé (PPP) pénitentiaires en imposant l’agrandissement du parc immobilier et la construction de méga usines carcérales en PPP et ce, malgré les préconisations de la Cour des comptes.
Effectivement, le document fait apparaître que la dépense de loyers versés aux entreprises privées devrait connaître une forte augmentation au cours des années à venir. « En euros constants (…), les dépenses de loyers correspondant aux investissements passeraient de 35 millions d'euros en 2010 à plus de 263 millions d'euros en 2017, (…) les dépenses de loyers relatives à la part d’investissement et la part de fonctionnement de 95,4 à 567,3 millions d'euros ».
Malgré tout cela, le Président de la République, avec le gouvernement, continue d’effectuer des choix dangereux et arbitraires pour l’avenir de l’état. Si le rapport cité recommande l’avis de différents acteurs concernant la construction des nouvelles prisons, l’exécutif élabore son cahier des charges de façon autoritaire.
Effectivement, l’architecture possède sa grammaire ; elle a un but et une signification. Dans les prisons dites modernes, la préoccupation première des gouvernements est la sécurité dite passive : pas de place pour l’humanité ! Les personnels sont isolés et enclavés à l’intersection de plusieurs couloirs fermés par des grilles. Pris au piège. Piège de l’isolement, de la folie, de la violence accentuée par cette architecture digne des geôles de l’état-prison que sont les Etats-Unis. Les plafonds sont bas, la luminosité artificielle agresse la rétine, les grillages cerclant les fenêtres des cellules sont immondes et ne laissent pas passer l’existence de l’autre. Vision parcellaire en schéma caillebotis. Sensations d’étouffement. Angoisses accentuées par le fait que les usines carcérales sont implantées soit dans des zones industrielles, soit isolées du reste du monde : en dehors de la vie. Structures monstrueuses de 700 ou 800 places. Détresses amplifiées et vertiges de l’anonymat. De plus, les déplacements sont ralentis par les systèmes de sécurité. Dimension hors norme du temps.
Ce n’est pas pour rien que l’administration pénitentiaire a interdit la diffusion à la télévision du documentaire « Le déménagement » . Celui-ci montre bien que nouveautés et avancées technologiques ne signifient pas forcément mieux être et progrès.
Si les anciennes prisons situées en centre ville permettent aux détenus d’être encore dans la vie et dans le temps, leurs architectures autorisent les personnels à ne pas être isolés dans leur coursive. Les collègues peuvent se voir, se parler, s’entraider rapidement en cas de problème. L’espace est ouvert. Les structures ont une taille humaine.
Ces nouvelles prisons dites modernes, dégradent les conditions de travail des personnels et les conditions de détention des personnes incarcérées. Et c’est bien dans les usines carcérales qu’il y a le plus d’agressions, de suicides : elles déshumanisent l’être et accentuent sa condition d’objet. Cela est amplifié par un management qui se mécanise. Les personnels le vivent au quotidien. Qu’ils soient surveillants, travailleurs sociaux, agents administratifs ou cadres, ils remplissent des formulaires informatisés et automatisés, qui serviront à ficher les détenus dans des profils types. La perte du sens du travail est liée, en partie, à la mécanisation des missions qui engendre des souffrances : sur-suicidité des personnels et des personnes incarcérées.
Dans la mesure où les nouvelles structures accentuent le mal-être, elles ne peuvent être la vitrine de la modernité et du progrès. Elles sont l’image d’une société qui régresse, qui se replie sur elle-même et sur les blockhaus qu’elle érige entre les humains au son de l’hyper incarcération et de l’omnipotente politique sécuritaire au service de l’industrie qui l’accompagne. Pour la CGT Pénitentiaire, l’emprisonnement doit rester l’exception ; l’humain acteur de son projet.
Jusqu’à quand les citoyens vont-ils accepter de devenir des présumés coupables, fichés, contrôlés et surveillés en permanence, simples objets au service du marché de la peur et de « l’horreur sécuritaire »?
vendredi 27 janvier 2012
Kirghizstan : un millier de détenus se cousent les lèvres en guise de protestation
Près de 6 000 détenus sont également en grève de la faim. Ils dénoncent leurs conditions de détention.
http://www.liberation.fr/c/01012385967-c
mercredi 25 janvier 2012
samedi 21 janvier 2012
mardi 17 janvier 2012
Tribune parue dans Libé du 16 janvier 2012 : limpide !!!
Quand la dangerosité
devient le grand critère de la justice pénale
Liberation
le 16 janvier 2012
PAR ALAIN
BLANC MAGISTRAT ET SOPHIE
BARON-LAFORÊT PSYCHIATRE
Nul
ne sait si, dans les semaines qui précéderont l’élection présidentielle de
mai 2012, un crime particulièrement horrible surviendra ou non. En
revanche, il nous semble utile de formuler dès maintenant des recommandations
sur les questions qui se posent sur le fonctionnement de la justice pénale et les
attentes de nos concitoyens à ce sujet car les prises de positions des
responsables politiques, mandatés ou non par les candidats à l’élection
présidentielle pour s’exprimer sur les questions pénales, ont en effet pris
jusqu’à présent un tour réellement préoccupant, quel que soit le bord d’où
elles venaient.
Tout
a déjà été dit sur l’effet désastreux de l’accumulation de lois souvent
contradictoires censées garantir le non-renouvellement de faits divers,
prétextes à leur élaboration en urgence au Parlement. Il en est de même
concernant la question des moyens des services publics en charge de ces
questions, qu’il s’agisse de la police, de la justice, de la psychiatrie ou
plus largement des politiques publiques contribuant à la prévention de la
délinquance et en particulier de la récidive.
Venons-en
au cœur du sujet : depuis quelques années, nous sommes, avec la question
pénale, comme sur un toboggan qui entraîne tout le monde en chute libre : la
dangerosité est en train de devenir l’alpha et l’oméga, la pierre angulaire de
toute la politique pénale : la loi du 28 février 2008 a instauré la
rétention de sûreté et la privation de liberté perpétuelle sans crime ni délit.
Dans le même mouvement, à bas bruit, le psychiatre et le juge se voient de plus
en plus assignés par les responsables politiques - et l’opinion qu’ils
contribuent à façonner - non plus pour l’un, à soigner et à apaiser la
souffrance, pour l’autre à dire le droit et à rendre une décision juste, mais
pour l’un et l’autre, d’abord, à prévoir le risque de dangerosité.
Il
y a là un risque grave pour tout le monde, sans garantie d’améliorer la
sécurité des personnes : celui de voir le médecin et le juge («mais le constat
vaut pour d’autres professionnels dans le travail social, l’enseignement, la
police, la recherche…») ne plus assurer leur mission première. Déjà, les
psychiatres déplorent d’être mobilisés sur des urgences considérées comme plus
sensibles ou médiatiques aux dépens des soins à des malades qui souffrent mais
dérangent moins leur environnement. De même, les délibérés des chambres
correctionnelles ou des cours d’assises intègrent de plus en plus le «risque de
récidive» dans le calcul des peines qu’ils prononcent. Tant que les malades
sont malgré tout soignés et que les peines restent «justes», rien de grave,
nous dira-t-on.
Mais
ne voit-on pas là en germe un risque de dérive ? Car la pollution des esprits
est générale : l’étranger, le malade, le pauvre, le sans domicile fixe, et même
l’enfant sont de plus en plus perçus comme potentiellement dangereux. C’est ce
qui explique la régression historique qui est actuellement en cours pour notre
droit des mineurs, mais aussi ce qui n’est - peut-être - qu’une «bourde» : le
récent programme du ministère de l’Education nationale dit de «détection des risques»
chez les enfants de moins de 3 ans, là où rien n’aurait été sans doute
critiquable s’il s’était agi de repérage des «besoins» de ces mêmes enfants.
Mais
revenons à la justice pénale. Dans ce domaine très surexposé, les effets de
cette obsession de la dangerosité sont considérables : le récent quasi-lynchage
à Brest d’un marginal pris par erreur pour un pédophile et décédé dans la
foulée d’un arrêt cardiaque, l’illustre concrètement. On se souvient
qu’ailleurs, quelques mois plus tôt, son ADN avait sauvé du même sort un ancien
condamné pour agression sexuelle.
Le
projet de loi de programmation d’exécution des peines - présenté une fois de
plus en urgence devant le Parlement, et quelques mois avant l’échéance
présidentielle - en est un autre avatar.
D’une
part, seule la dangerosité supposée et la durée de peine des détenus y sont
prises en compte - à l’exclusion de tout critère criminologique minimal - pour
définir une priorité : affecter 7 000 places à des condamnés à moins de
trois mois, alors qu’ils relèvent d’un aménagement de leur peine comme l’exige
la loi du 10 novembre 2009 (c’était hier…).
D’autre
part, et les suites du drame du Chambon-sur-Lignon n’ont pas fini d’alimenter
ce débat important, le même projet de loi prévoit que le médecin informe le
juge de l’application des peines sur «l’effectivité» (exposé des motifs) des
soins suivis par le condamné ou sur leur «régularité» (article 5 du projet
de loi). Tout cela risque de se solder par un compromis très approximatif
autour d’un concept qui l’est tout autant : celui de «secret partagé» alors que
les questions qu’il sous-tend sont complexes.
Venons-en
à trois questions de fond qui nous paraissent déterminantes si l’on veut
définir des perspectives sérieuses et avec un minimum de recul dans ce domaine.
L’une concerne les débats sur l’expertise des prévenus ou accusés avant le
procès pénal, l’autre, les conditions dans lesquelles la peine est définie par
les juges et les jurés, la dernière les politiques d’exécution des peines et
leur évaluation.
Sur
l’expertise.
Si des débats doivent avoir lieu sur les méthodes permettant de mieux connaître
les personnes vis-à-vis desquelles la justice doit statuer, et de repérer ce
qui peut être discerné sur leurs perspectives d’évolution (y compris les
risques de réitération), ce ne sont ni les affrontements idéologiques ni les
dogmatismes qui permettront d’y voir plus clair.
Ce
serait une erreur de penser qu’il faut choisir entre la clinique psychiatrique
et les méthodes «actuarielles» (ou statistiques), abusivement présentées par
leurs émules comme plus «scientifiques». Clinique et méthodes actuarielles
n’ont absolument pas la même fonction. Elles sont, par rapport à la définition
de ce qui serait une politique publique de prévention de la récidive, plus
complémentaires qu’exclusives l’une de l’autre.
Si
l’on veut bien admettre qu’il s’agit d’une question scientifique, celle de
déterminer ce que les techniques et les méthodes mises à jour jusqu’à présent
peuvent apporter, recourons, comme cela a déjà été fait sur d’autres questions
du même ordre, à la Haute Autorité de santé et à une «conférence de consensus»
qui fera le point sur les savoirs en la matière et contribuera à un vrai débat
démocratique à partir des analyses et des propositions qu’elle formulera.
Sur
les conditions dans lesquelles la peine est définie et prononcée. Au moment où la
peine est sans cesse critiquée et remise en question, où certains extrémistes
faisant litière de tout principe humaniste vont jusqu’à réclamer l’instauration
de peines perpétuelles incompressibles et non aménageables, donnons-nous les
moyens de faire en sorte que cette peine soit déterminée dans des conditions
sérieuses. Il est temps de recourir à la «césure du procès pénal» en deux
temps. Celle-ci est seule en mesure de faire en sorte que la nature et le
quantum de la peine soient débattus contradictoirement à partir de données
examinées, pesées et discutées par celui ou celle dont la culpabilité est
acquise, par l’accusation et par la défense.
A
cette fin, un «temps du choix de la peine» doit être instauré en lieu et place
des échanges convenus dans les procès actuels en fin de débat sur la
culpabilité, sans autre contenu, d’une pauvreté le plus souvent affligeante,
que celui autour de la «gravité» des faits.
De
la qualité de ce débat-là, qui exige du temps, des données riches sur la
personnalité et l’environnement du condamné sont indispensables pour garantir
la crédibilité et la légitimité de la peine prononcée et sa capacité à être
comprise, y compris par celui à qui elle est infligée.
L’exécution
des peines. Nous
sommes en janvier 2012 et plusieurs maisons d’arrêts sont obligées de
mettre des matelas par terre dans les cellules pour garder des détenus dont
beaucoup sont condamnés à des peines de moins de six mois. L’articulation
entre les juridictions, parquet et siège, et les services pénitentiaires,
malgré la loi du 10 novembre 2009 censée corriger les effets de celle du
10 août 2007 sur les peines planchers, n’a pas permis de généraliser les
aménagements pour ces courtes peines, dont beaucoup se traduisent par des
incarcérations impossibles à aménager en si peu de temps. C’est l’une des
conclusions d’un colloque inauguré par le garde des Sceaux
début novembre 2011 à l’IEP de Paris.
La
seule réponse proposée à cette situation, non contestée en l’état par
l’opposition, est de créer 7 000 places pour les moins de trois mois dont
on sait - mais le projet de loi n’en dit mot - qu’il s’agit pour l’essentiel,
en dehors des conduites en état alcoolique, de «petits voleurs» récidivistes
pour la plupart, alcooliques et/ou toxicomanes, tous désocialisés, sans emploi,
souvent sans hébergement.
Cette
unique réponse est envisagée au moment où l’on entre dans une crise économique
que l’on nous annonce comme sans précédent, c’est indigne.
Tout
est-il mis en œuvre pour faciliter la mobilisation d’autres réponses ? De
quelles évaluations disposons-nous et, quand elles existent - c’est le cas sur
ce sujet -, qu’en fait-on ?
Les
réponses ne sont pas - ou pas seulement - dans de nouvelles places de prison.
Si beaucoup dépendent de la justice, de ses professionnels et des politiques
régionales et locales à définir conjointement, elles dépendent aussi des autres
services de l’Etat et des collectivités territoriales et du développement de la
recherche sur des enjeux essentiels pour la cohésion et le respect de l’état de
droit dans notre pays.
Ces
propositions ne sont pas les seules à pouvoir contribuer à une meilleure
qualité de la justice pénale et à renforcer sa légitimité. Mais elles ont le
mérite, essentiel en ces temps de polémique et d’approximations, de faire appel
à la fois aux savoirs disponibles et à la responsabilité de chacun.
dimanche 15 janvier 2012
lundi 9 janvier 2012
samedi 7 janvier 2012
Monsieur G, en fauteuil roulant, en liberté...mais à quel prix !!
Mercredi 5 janvier
2012, audience devant la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de DIJON
concernant un de mes clients en détention provisoire dans un dossier de vol
avec arme, présentant la particularité d’être atteint d’une maladie incurable
et irréversible , la maladie de Charcot Marie Tooth, atteignant le système
nerveux et provoquant à terme une paralysie totale.
Monsieur G. est détenu
depuis plus de deux années ; il a été incarcéré, tout d’abord, Fresnes
puis, actuellement, à la maison d’arrêt de Villepinte.
J’ai fait sa
connaissance durant l’année 2010 ; il m’a saisi, d’une part, de ses
intérêts afin d’assurer sa défense dans le cadre du dossier pénal et, d’autre
part, très combatif, afin d’engager une procédure contre l’Etat, concomitamment
à sept autres personnes handicapées, à raison de leurs conditions de détention
à Fresnes.
J’ai été stupéfié du
récit qu’il m’a fait de sa détention dans cet établissement !
Ambiance de cour des
miracles : cellule dites « handicapés », microscopiques (environ
9 m²), certes dotées de lits médicalisés, mais tellement encombrées que les
deux personnes « à mobilité réduite » ne peuvent se croiser à
l’intérieur, étant réduites à demeurer l’une au bout de la cellule, près de la
fenêtre, l’autre, près de la porte, à tel point que lorsque la première
souhaite sortir, la seconde doit appeler le surveillant (durant parfois très
longtemps) afin qu’il ouvre la porte, le sorte pour que l’autre puisse, enfin,
lui-même s’extraire de la cellule
Dès lors, s’ensuivent
des situations de conflits entre les occupants des cellules qui, face à face
dans cet univers clos er confiné, sans possibilité d’évoluer normalement, en
viennent à ne plus se supporter, la moindre peccadille devenant une
montagne !
Monsieur G me raconte
toutes ces épreuves en retenant ses larmes mais fréquemment, il craque et
s’effondre comme un enfant dans son fauteuil roulant, suppliant que je fasse
quelque chose, maudissant la terre entière et surtout la pénitentiaire qui lui
impose de telles conditions de détention, empreintes d’une immense souffrance.
Le Tribunal
Administratif de MELUN, saisi d’une requête déposée au nom de nos clients, mon
confrère Laure Heinich Luijer et moi-même, a ordonné un constat des conditions
de détention, confié à Monsieur MARTY, expert architecte.
Les opérations de
constat, très complexes, en raison du grand nombre de requérants et du nombre
de cellules, disséminées dans les trois divisions de l’établissement
pénitentiaire, ainsi qu’au C.N.O, dans lesquelles ils ont été enfermés, se sont
déroulées durant les mois d’octobre et novembre 2010, durant une journée
complète et deux demi-journées.
Monsieur MARTY, qui
rentrait pour la première fois en détention, tout en gardant un recul dû à sa
fonction d’expert, a été choqué de découvrir les conditions de détention des
requérants, d‘observer le manège des opérations de sortie des personnes en
fauteuil roulant de leur cellule (au nombre de 8 « spécialement
aménagées », sachant que plusieurs autres requérants, tout aussi
handicapés, étaient détenus, eux, dans des cellules ordinaires, c’est-à-dire,
non aménagées, ne disposant pas de lit médicalisé, ni d’équipements spécifiques
aux personnes à mobilité réduite.
Un rapport
particulièrement détaillé et critique a été déposé qui a permis de saisir le
Tribunal Administratif de MELUN de requêtes aux fins d’indemnisation du
préjudice moral subi par les requérants à raison de l’atteinte à leur dignité
née de leurs conditions de détention.
Par sept ordonnances en
date du 20 décembre 2011, la juridiction a fait Droit aux requêtes en référé et
a condamné le Garde des Sceaux à indemniser les sept requérants.
« Considérant que M. G
soutient, sans être contredit, être atteint d'une pathologie chronique
évolutive, se déplace exclusivement fauteuil roulant et avoir occupé pendant 25
mois la cellule 90 du grand quartier au
rez-de-chaussée de la deuxième division Sud ; qu'il ressort du rapport de
l'expertise confiée à M. Marty, architecte, missionné par le tribunal de céans,
que la cellule était occupée par deux détenus ; que la largeur du dégagement
central ne permettait pas le croisement des deux fauteuils, obligeant l'un des
occupants à sortir pour que l'autre puisse emprunter la porte ; que les
cellules médicalisées sont accessibles avec d'importantes difficultés aux
détenus en fauteuil ; que le module aménagé en pièce de toilette présente des
dispositions insuffisantes d’aération et de ventilation ; l'installation et
présente des caractéristiques en conformité avec risques d'accidents de
personnes ; que les parloirs, les locaux de soins, la bibliothèque, la salle de
lecture et les installations sanitaires complétant la salle de sports et de
détente sont inaccessibles aux détenus en fauteuil roulant ; que, dans ces
conditions, M. G. est fondé à soutenir qu'il a été détenu dans des conditions
n’assurant pas le respect de la personne humaine en méconnaissance des
dispositions de l'article D 189 du code
de procédure pénale précitée ; l'existence de l'obligation dont se prévaut M. G.n'est,
dès lors, pas sérieusement contestable et qu'il y a lieu de condamner le garde
des sceaux, ministre de la justice et des libertés au versement d'une provision
dont il sera fait juste appréciation en la fixant à 5000 € ».
S’agissant de la
procédure judiciaire, le juge d’instruction, rapidement, vers la fin de l’année
2009 (avant que je sois saisi) avait ordonné une expertise destinée à vérifier
la réalité de la maladie, une des principales questions posées à l’expert
consistant à s’assurer que Monsieur G n’était pas un simulateur.
Ce qui est
particulièrement choquant, c’est que l’expert n’a déposé son rapport, daté du
mois d’avril 2011, au greffe de l’instruction qu’au mois de juillet 2011, soit
plus de dix-neuf mois plus tard !
Pendant ce temps,
l’état de santé de Monsieur G a eu le temps de se dégrader encore plus ;
rapidement, les muscles de ses épaules ont commencé, eux aussi, à s’atrophier,
provoquant d’intenses douleurs et rendant difficile le fait de pousser seul son
fauteuil.
De plus, l’absence de
soins kiné au grand quartier de la maison d’arrêt de Fresnes ne permettait pas
de contenir un tant soit peu l’aggravation de la maladie.
Les demandes de mise en
liberté avant le dépôt du rapport d’expertise, se sont toutes heurtées aux
mêmes arguments principaux, savoir :
·
L’attente du rapport d’expertise
· Le risque d’évasion fondé sur le fait
que, plusieurs années avant, Monsieur G avait déjà tenté de s’évader alors
qu’il était sous bracelet électronique dans une précédente affaire.
·
Le risque de réitération de l’infraction
(!!)
Au mois de novembre
2011, par un arrêt avant dire Droit, la Chambre de l’Instruction, saisie d’un
appel d’une ordonnance de prolongation de la détention provisoire de Monsieur
G, a ordonné une expertise médicale destinée à vérifier la compatibilité ou non
de l’état de santé de ce dernier avec la détention provisoire dans des
conditions ordinaires.
Le rapport a été déposé
très peur de temps avant l’audience de renvoi du 4 janvier 2011.
Les conclusions de
l’expert sont formelles :
(L'état de santé de
Monsieur G) « Près de 20 ans après l'émergence déclarée des premiers symptômes, et
en fonction des antécédents rapportés, est compatible avec le diagnostic de
maladie de Charcot Marie Tooth. Il en existe plusieurs variantes… Il apparaît
que le déficit moteur, qui touche principalement les membres inférieurs est
tout à fait invalidant.
Le traitement en cours
vise principalement à agir sur les douleurs de contraintes mécaniques, musculo
articulaires et des douleurs neuropathiques associées à la maladie.
La prise en charge doit
comporter une kinésithérapie active et entretient la plus régulière possible.
L’adaptation fauteuil
roulant est acquise mais une prise en charge ergothérapie complémentaire
pourrait permettre de l'optimiser et de compenser les quelques difficultés déclarées
au niveau des membres supérieurs.
S'agissant des soins
requis, en dehors des traitements médicamenteux purement symptomatiques (il
n'existe pas de traitement curatif ou ayant un impact mesurable à ce jour sur
l'évolutivité de ce genre de maladie), on doit considérer la nécessité
impérieuse une kinésithérapie d'entretien avec un complément en ergothérapie
destinée à permettre l'autonomie maximum au fauteuil roulant et dans les actes
élémentaires de la vie quotidienne.
Enfin, s'agissant d'une
possible simulation, il existe des éléments objectifs à l'examen clinique
(ainsi que) des éléments électrologiques qui confirment une
neuropathie »..
En dehors d'un
amaigrissement diffus, il existe une atrophie musculaire compatible avec une
neuropathie invalidante, le déficit distal associé à une dysmorphie avec pieds
creux est tout à fait évocateur d’une neuropathie évoluée… Pour l'essentiel,
les plaintes fonctionnelles sont corroborées par l'histoire clinique déclarée
du patient et les données de l'examen ».
D’après l’expert, l’état
de santé de Monsieur G n’est pas compatible avec la détention ordinaire, à
moins d’aménagements spécifiques tels qu’une tierce personne, une cellule plus
vaste, dotée d’équipements tels qu’un lit médicalisé, des WC adaptés, bref,
tout ce dont la maison d’arrêt de Villepinte ne dispose pas ; en effet,
depuis son transfert dans cet établissement, il se trouve détenu dans une
cellule « normale ».
Autre suggestion
formulée par l’expert, un transfert vers l’hôpital pénitentiaire de Fresnes comme
constituant un substitut adapté à la détention provisoire ordinaire.
Cette solution, qui
aurait le mérite de permettre à M. G.de bénéficier de soins durant une courte
période n'est en réalité pas satisfaisante.
En effet, outre le fait
que l'hôpital de Fresnes n'est pas un établissement pénitentiaire au sein
duquel une personne puisse être détenue, il est constant qu'une admission dans
cette structure ne peut en aucun cas être pérenne et implique, un jour ou
l'autre, un retour dans un établissement pénitentiaire.
Ainsi, dans l'hypothèse
d'une admission à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, il y a tout lieu de
penser que Monsieur G. se retrouverait rapidement, à nouveau admis au grand
quartier de la maison d'arrêt de Fresnes au sein duquel il a été détenu durant
une période dans des conditions qui ont été examinées par un expert désigné par
le tribunal administratif de MELUN, rapport d'expertise ayant donné lieu à l’ordonnance
de référé, rendue par cette juridiction le 20 décembre 2011, condamnant l'État
à raison des conditions de détention indignes qui lui ont été imposées à la
maison d'arrêt de Fresnes sachant que, précisément, dans cet établissement, M.
G. était détenu dans une cellule dite « handicapé ».
La situation de
Monsieur G a été évoquée à l’audience de la Chambre de l’Instruction de Dijon
le 4 janvier 2012.
J’ai immédiatement
ressenti de la part de la juridiction une capacité d’écoute et de compréhension
inhabituelle.
Par contre, de la part
du représentant du Ministère Public, j’ai compris que, soit, celui-ci faisait
preuve d’une particulière mauvaise foi soit qu’il n’avait pas la moindre
connaissance de l’univers pénitentiaire et du mode de fonctionnement de
l’Administration Pénitentiaire !
En effet, après
l’argumentation relevant des critères de la détention provisoire (risque de
pressions, d’évasion, instruction terminée, renvoi à bref délai devant la Cour
d’Assises etc etc…l’Avocat Général a répondu à mes arguments tendant à démonter
qu’aucune structure pénitentiaire ne pouvait héberger Monsieur G.
Il a ainsi soutenu que
si les conditions de détention de Monsieur G. étaient réellement indignes et
inadaptées, l’administration pénitentiaire l’aurait très certainement signalé
au juge d’instruction et aurait, bien évidemment pris des mesures afin de les
adapter ! Bienvenue au monde des Bisounours !!)
Ensuite, il a conseillé
à la juridiction de rendre une décision confirmant la prolongation de la
détention provisoire tout en exigeant que la cellule de Monsieur G soit
aménagée, conformément aux préconisations de l’expert et, qu’à défaut, il
serait toujours temps de revoir la question de la détention !
Face à de si belles
perches, j’ai pu répondre ceci :
1) L’administration pénitentiaire ne
communique JAMAIS sur les conditions de détention, tout du moins, spontanément ;
elle ne le fait que lorsqu’elle y est contrainte par le Juge Administratif dans
le cadre de procédures que des personnes détenues qui se plaignent de leurs
conditions de détention initient. Il est évident que si l’administration pénitentiaire
communiquait et faisait preuve de coopération sans s’opposer bec et ongles aux
procédures d’expertise, sans user de toutes les voies de recours imaginables,
la situation serait toute différente ! Là, je perçois parfaitement à quel
point les magistrats ignorent la situation véritable dans les établissements
pénitentiaires, ne cherchent pas à connaître réellement quelles souffrances
peuvent endurer les personnes détenues, a fortiori celles qui sont en
situation de handicap, celles qui sont les plus vulnérables parmi les
vulnérables (dixit le Conseil d’Etat aux termes de deux arrêts en date du 17
décembre 2008).
2) Le conseil d’assortir un arrêt de
confirmation d’exigences de mise en conformité est un vœu pieux qui resterait
lettre morte en raison, d’une part de l’inertie de l’administration
pénitentiaire mais aussi de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de
modifier les choses de façon profonde.
En tout état de cause, le
problème posé à la chambre de l’instruction de Dijon le 4 janvier 2012 est
celui, plus global de l’enfermement des personnes handicapées : jusqu’où
peut-on leur imposer de telles souffrances ?
Est-il légitime de
prolonger une détention provisoire ou une peine coûte que coûte jusqu’au bout
ultime sans prendre en compte la notion de la souffrance, de la perte de
dignité, pour une personne comme Monsieur G qui ne peut même plus pousser seul
son fauteuil roulant ?
Est-il légitime de
créer des prisons spécialisées pour les malades mentaux alors que ceux-ci
auraient leur place au sein d’établissements spécialisés ?
Je suis ressorti de
l’audience avec un fol espoir, celui d’être entendu !
Bien m’en a pris !
Par un arrêt
(béni !) en date du 6 janvier 2012, la Chambre de l’Instruction a remis
Monsieur G. en liberté sous contrôle judiciaire, aux motifs suivants :
« Attendu qu’au vu
des éléments déjà évoqués dans l’arrêt avant dire Droit, de l’expertise
médicale et de ces pièces (celles que j’ai versé aux débats, savoir,
essentiellement, l’Ordonnance de référé
du Tribunal Administratif de MELUN du 20 décembre), il apparaît
manifeste que l’adaptation des conditions de détention telles que suggérées
serait très difficilement réalisable et auraient déjà été mises en œuvre par
l’administration pénitentiaire si elle en avait eu la possibilité, s’agissant de
préconisations qui étaient déjà largement celles du médecin attaché à
l’administration pénitentiaire mais non mises en œuvre ; qu’il n’y a pas
de possibilité de détention pérenne à l’Hôpital de la maison d’arrêt de Fresnes ».
Même si cet arrêt
dénote une méconnaissance du fonctionnement réel, par exemple, d’un Unité de
Consultation et de Soins Ambulatoires d’un établissement pénitentiaire (il n’y
a pas de médecin attaché à l’administration pénitentiaire depuis la loi de janvier
1994, les praticiens sont liés à l’hôpital qui les emploie et non cette
dernière) ; il n’y a pas d’hôpital à la maison d’arrêt de Fresnes mais un
Etablissement Public National de Santé
de Fresnes, (qui a, d’ailleurs changé de nom récemment) établissement
indépendant, même de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris), cette
décision est très importante ; enfin, des magistrats ont considéré qu’une
personne handicapée ne pouvait demeurer détenue et que, comme je le soutenais,
il n’existe pas structure pénitentiaire susceptible d’accueillir Monsieur G.
Pour terminer, cet
arrêt tord le cou à une légende consistant à croire qu’il existe des hôpitaux
prisons (hors le cas des sinistres UHSA, bien sûr !) et qu’une personne
hospitalisée dans une structure hospitalière comme l’Hôpital de Fresnes ou une
Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale, retourne fatalement en détention
ordinaire.
Pour le moment,
l’histoire de Monsieur G se termine bien mais si, un jour, une Cour d’Assises
rend une décision de condamnation, il sera urgent, à nouveau, d’agir afin
d’obtenir la suspension de cette peine ; là, la situation est différente,
il existe une Loi….
A suivre….
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